L'ESSAI
Trois points sont importants pour cerner le but de l'essai
L'essai est un texte argumentatif : Il a pour but d'argumenter. On trouve donc toujours dans un essai une stratégie argumentative : convaincre ou persuader.
L'essai se distingue du traité car il ne tend pas à l'exhaustivité. (le traité, plus rigoureux, est censé épuiser un sujet donné)
L'essai n'est pas un genre narratif. Il s'oppose à la fiction. Il convient donc de distinguer l'essai de l'apologue qui a recours à un récit fictif pour illustrer une morale.
Rédigez un essai de 300 mots sur la vision hugolienne de l'enfance malheureuse (face à la guerre) au XIXe siècle.
La mort de Gavroche.
Il rampait à plat ventre, galopait à quatre pattes, prenait son panier aux dents, se tordait, glissait, ondulait, serpentait d'un mort à l'autre, et vidait la giberne(1) ou la cartouchière comme un singe ouvre une voix.
De la barricade, dont il était encore assez près, on n'osait lui crier de revenir, de peur d'appeler l'attention sur lui.
Sur un cadavre, qui était un caporal(2), il trouva une poire à poudre(3).
- Pour la soif, dit-il, en la mettant dans sa poche.
À force d'aller en avant, il parvint au point où le brouillard de la fusillade devenait transparent. (...)
Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d'une borne(4), une balle frappa le cadavre.
- Fichtre(5)! dit Gavroche. Voilà qu'on me tue mes morts.
Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier.
Gavroche regarda et vit que cela venait de la banlieue.
Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l'oeil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta:
On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller(6) une autre giberne. Là une quatrième balle le manqua encore. Gavroche chanta:
Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis un oiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Une cinquième balle ne réussit qu'à tirer de lui un troisième couplet:
Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau(7),
C'est la faute à Rousseau.
Cela continua ainsi quelque temps. Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l'air de s'amuser beaucoup.
C'était le moineau becquetant(8) les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l'ajustant. (...)
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l'enfant feu follet(9). On vit Gavroche chanceler, puis il s'affaisa. Toute la barricade poussa un cri; assis sur son séant(10), un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l'air, regarda du côté d'où était venu le coup, et se mit à chanter:
Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à ...
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler.
(1) Boîte recouverte de cuir dans laquelle les soldats mettaient les cartouches et quelques menus objets pour l’entretien des armes.
(2) (Militaire) Grade le moins élevé dans l’infanterie.
(3) Sorte de petite gourde de cuir bouilli ou de quelque autre matière, dans laquelle on mettait de la poudre de chasse.
(4) Pierres plantées debout qu’on met à côté des portes, le long des murailles, ou à l’encoignure des édifices, pour empêcher qu’ils ne soient endommagés par les voitures, ou dont on borde un chemin, une place publique, un port, etc.
(5) Expression marquant la surprise, le désarroi, parfois l’admiration.
(6) (Figuré) Priver une personne, une collectivité, une chose organisation de sa propriété, de ce qui lui appartient.
(7) (Vieilli) Ensemble des vêtements, du linge, etc., que devait apporter un élève, ou qu’on lui fournissait, lorsqu’il entre dans un collège, dans une maison d’éducation, etc
(8) Piquer à coups de bec.
(9) Lueur que l’on voit voltiger la nuit sur les marais, dans les cimetières, produit par l’inflammation des gaz dégagés par des matières organiques en décomposition.
(10) Fondement ; postérieur ; derrière ; fesses ; cul.
Le poème L'Enfant, de Victor Hugo, mêle le récit à la description et à l’évocation de l’Orient et du mystérieux construit sur un jeu d’opposition. Contraste entre la situation de l’enfant abandonné et les remèdes qui pourraient le consoler. Prépare l’octosyllabe de la réponse finale. Jeu d’oppositions => mise en relief du rôle symbolique de l’enfant. Passage de l’innocence à la violence.
L'Enfant
Les turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil(1),
Chio, qu'ombrageaient les charmilles(2),
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage(3) oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars(4) autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba(5), de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
8-10 juillet 1828
Victor Hugo - Les Orientales
(1) Littéraire. Tout ce qui fait obstacle, met en péril ; danger, péril, piège
(2) Allée plantée de charmes très rapprochés les uns des autres et souvent taillés en forme de berceaux.
(3) Dommage, dégât fait avec violence et rapidité.
(4) En désordre, non encore mis en forme
(5) Tuba, prénom arabe et turc qui signifie la douceur et la prosperité mais qui est aussi le nom d'un arbre au Paradis.
En 1822, la Grèce se proclame indépendante.
Des populations sont alors massacrées par les Turcs,
notamment les habitants de Chio (Scio), île grecque de la mer Égée, séparée de la Turquie par un détroit de huit kilomètres seulement.
Eugène Delacroix peint « Scène des massacres de Scio » et Victor Hugo écrit « L’Enfant« .
La scène a probablement inspiré à Victor Hugo sa barricade dans Les Misérables et plus particulièrement son personnage de Gavroche
La loi du 22 mars 1841 réglementant le travail juvénile ne concerne que les établissements employant plus de vingt salariés. De fait, au moins jusqu’à la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 sur l’obligation scolaire, des garçons et des filles de moins de dix ans continuent d’être engagés, pour des salaires de misère, par des artisans, commerçants et marchands de quatre saisons. Habillés de guenilles, le visage couvert de suie, encombrés de paniers ou de hottes trop lourds pour eux, ces malheureux sont bien visibles et attirent l’attention des artistes qui commencent, au XIXe siècle, à faire de l’enfant le sujet de leurs romans et scènes de genre. Grâce à eux, des lois sur l’apprentissage et sur l’éducation vont se succéder, mais elles auront du mal à atteindre les populations d’orphelins et d’étrangers, le plus souvent sans domicile fixe.